Harassé, éreinté, gêneur selon les gens pressés, persifleurs, il est là, solitaire. Il est là, adossé au mur sans lierre, absent car trop lourd de pensées qui sifflent à ses oreilles gelées, à son visage barbu et plus encore à ses yeux brûlés par la bise glaciale.

Son ample houppelande noire et trouée s'étale sur le sol légèrement blanc et dissimule à peine un corps maigre, souffreteux, douloureux.

Personne ne s'étonne quand il chantonne une complainte. Personne ne l'écoute quand il raconte :

- Pas un habitant de la planète Terre n'a voulu de mes cadeaux, des myriades d'étoiles aux noms scintillants : liberté, égalité, fraternité, générosité, amitié, tendresse, affection, amour. Pas un, pas un !

Personne ne le regarde sauf ceux qui le cinglent d'un violent :

- Va cuver ta vinasse ailleurs !

De la besace posée à côté de lui, besace qui s'emplit de vent, s'échappe une enveloppe. Solitaire, un enfant qui passe pas là, sifflant et bondissant, la reçoit en pleine figure. Il s'en empare et lit l'adresse : " Aux peuples de la Terre" Curieux, fébrile, il ouvre l'enveloppe et en retire une carte multicolore sur laquelle, en lettres dorées, est inscrit un message lumineux : Je vous apporte la paix !"

Intrigué, l'enfant fait demi-tour afin de saluer et remercier chaleureusement l'étrange bonhomme. Trop tard !

Une bourrasque de vent et de neige a emporté le brave Père Noël devenu aussi invisible que les souffles du destin.